Un journal tourné dans les territoires occupés avant et pendant l'invasion du Liban. Amos Gitai y arpente méthodiquement le même triangle de terre, filmant au jour le jour ce qu'il voit, le malaise des soldats israéliens devant la caméra, leur refus d'être filmés, l'état d'esprit des colons, les multiples formes du ressentiment des Palestiniens. "Le film est composé d'une cinquantaine de plans-séquences conçus comme autant de "capsules" autonomes et pour la plupart réalisés en voiture, comme si celle-ci était le chariot inséparable, le pied roulant de la caméra. La route est ainsi transformée en un interminable travelling tendu à travers les zones occupées, avec des temps d'arrêt, des pauses, des ralentissements, des points forts. Ici, plus que nulle part ailleurs, un travelling est affaire de morale. (...) Nous ne rentrons jamais à l'intérieur de la réalité de la guerre mais restons toujours à la bordure de la scène, sur sa tangente. La caméra glisse constamment sur son sujet sans jamais le pénétrer, l'agresser, comme notre oil sur la surface de l'écran, reproduisant à l'intérieur du film notre situation réelle de spectateurs. (...) D'un plan à l'autre, les opinions ne se recoupent pas mais elles finissent par tracer l'image de la géographie humaine de cette contrée, une image déchirée, prise entre deux pôles antagonistes, sans pour autant se réduire à la seule expression de cette opposition. Quand il est toujours aisé de dénoncer une guerre au risque de se laisser prendre par le spectacle fascinant de l'horreur (...), Journal de Campagne propose une image civile de la guerre qui (...) le met à part dans la production audiovisuelle autant par son contenu que par sa démarche, par la solution qu'il apporte à un problème qui relève autant de l'éthique du cinéaste que de l'esthétique du film." Yann Lardeau, "Une éthique du travelling", Cahiers du cinéma, n°344, février 1983 |